Agences d’ici, réseaux d’ailleurs: atout ou compromis?
27 Mai 2025
Crédit photo : Donald Robitaille
Après tarifs douaniers, Donald Trump et campagne électorale, le mot « souveraineté » est sans doute celui qu’on entend le plus souvent ces jours-ci. On a donc décidé de surfer sur cette vague en parlant de la souveraineté de nos agences. Au-delà des boîtes résolument québécoises, la province abrite également plusieurs agences qui, tout en étant ancrées localement, font partie de réseaux internationaux. Pendant longtemps, l’opinion publique les percevait comme de simples succursales au service des tout-puissants Toronto ou New York. La souveraineté ? Quelle souveraineté ? Mais les choses ont grandement évolué, affirme Sylvain Dufresne, vice-président et chef de la création de FCB Montréal, bureau local du mastodonte publicitaire fondé en 1873 à Chicago.
FCB : authentiquement locale, nationalement impliquée et globalement connectée
Parmi les plus anciens réseaux publicitaires en Amérique du Nord, FCB compte plus de 120 bureaux et 8 000 employé·es répartis dans 80 pays, dont l’Australie, le Canada, le Brésil, les États-Unis, l’Inde et le Royaume-Uni. À Montréal, une trentaine de talents sont à l’emploi, collaborant régulièrement avec leurs quelque 150 collègues de Toronto.
Mais dans un réseau aussi tentaculaire que celui de FCB, le bureau montréalais a-t-il vraiment les coudées franches pour prendre ses propres décisions créatives et stratégiques ?
« Absolument, répond Sylvain Dufresne. On a le leadership complet de notre bureau. Il y a des exigences budgétaires auxquelles on doit répondre, mais on a les deux mains sur le volant en ce qui concerne le produit qu’on offre. Chez FCB, on se définit comme une agence authentiquement locale, nationalement impliquée et globalement connectée. » Un principe trouvant écho dans la vision de Tyler Turnbull, PDG de FCB Global et canadien, qui affirme que la force du réseau réside dans des marchés locaux solides.
« Sa conviction, c’est que ce sont les identités locales fortes qui nous permettent de nous différencier sur le marché. »
Une force collaborative qui profite aux clients
Environ deux tiers des activités du bureau québécois de FCB reposent sur des comptes dirigés à Montréal, une force qui lui permet de préserver son leadership, estime Sylvain Dufresne.
« Évidemment, plus on développe nos propres clients, plus on a de latitude. Notre plus grande responsabilité, c’est justement de développer notre bassin qui nous permet de garder le contrôle de nos activités. » Parmi ces clients : Air Canada, BMO, Saputo, Intuit Quickbooks et Jeunesse sans drogue Canada. Des comptes qui bénéficient aussi à l’occasion au réseau global de FCB de différentes façons, profitant ainsi de plusieurs avantages clés.
L’intelligence globale
Avec 120 bureaux dans 80 pays, FCB met à la disposition de ses clients une véritable richesse d’intelligence mondiale. Pour des entreprises comme Air Canada, qui ont une réalité à la fois locale et internationale, cela permet d’accéder à des insights précieux en provenance de divers marchés. « Air Canada, pour qui des campagnes sont réalisées autant par le bureau de Montréal que par celui de Toronto en mode city-agnostic – c’est-à-dire selon le principe de la bonne personne, au bon endroit, au bon moment, quelle que soit la ville où elle travaille – bénéficie énormément de cette veille d’intelligence mondiale qui lui permet de savoir ce qui se passe ailleurs et de mieux connaître les tendances », explique Laurence Ohayon, vice-présidente et directrice générale de FCB Montréal.
Le mandat pour QuickBooks Intuit, dans lequel des équipes de l’Australie, de Londres, de New York et de Montréal collaborent, illustre bien l’esprit de collaboration du réseau. La diversité d’approches et d’expériences permet d’offrir une réflexion vraiment globale, tout en gardant des solutions adaptées aux réalités locales. Et lorsqu’il s’agit de choisir qui va mener le pitch pour le Canada entre Toronto et Montréal, c’est toujours en fonction de la réalité du client. « Par exemple, pour QuickBooks, le marché québécois est névralgique parce qu’il est constitué d’énormément de PME. C’était donc évident que ce soit Montréal qui prenne les rênes », souligne Sylvain.
Le partage d’outils et de données
Dans la dernière année, FCB a mis en place un outil propriétaire d’intelligence artificielle éthique, permettant à ses équipes d’accéder au meilleur de la technologie tout en protégeant les données confidentielles des clients.
Bénéficier des ressources d’un réseau mondial, c’est aussi avoir accès à des bases de données qui coûtent cher, à des panels de recherche propriétaires et à des outils stratégiques à la fine pointe. « Même si on est une agence plus petite à Montréal, on offre à nos clients un accès à des ressources de calibre international, et ça, c’est un énorme avantage concurrentiel pour les marques d’ici », précise Sylvain.
Des ressources intégrées
Enfin, la possibilité d’accéder aux ressources de Toronto, ou d’autres bureaux, permet à l’équipe montréalaise de se renforcer au besoin. Par exemple, pour BMO, les communications destinées aux États-Unis sont prises en charge par le bureau de Toronto, tandis que celles pour le Québec sont dirigées par l’équipe montréalaise. Lors de la création nationale, les deux équipes travaillent ensemble, et à la fin, ce sont les meilleures idées, peu importe leur provenance, qui sont présentées au client. « L’idée, c’est de mélanger les forces des deux bureaux et de présenter ce qui est le plus pertinent pour le client, peu importe où l’idée est née », conclut Sylvain.
Le Québec : un phare de créativité sur la scène internationale
Mais qu’en est-il de la place qu’occupent nos agences québécoises au sein de tels réseaux ? Quelle perception ont les autres de nous ?
Sylvain Dufresne et Laurence Ohayon sont unanimes : Montréal, en particulier, est reconnue pour sa créativité et sa capacité à saisir les nuances culturelles avec une finesse unique. « Se démarquer dans un groupe de plusieurs milliers de personnes, c’est un défi quotidien. Mais je pense que notre équipe a su bien se positionner grâce à nos résultats d’affaires et à notre approche créative », explique Sylvain Dufresne.
Une reconnaissance qui témoigne de la capacité des agences québécoises au sein de réseaux mondiaux à se tailler une place dans la cour des grands, tout en préservant leur identité unique et leur vision locale.